
Patrick Berche dirige le service microbiologie de l'hôpital Necker (Paris).
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L'apparition de mutations du virus de la grippe A(H1N1) signifie-t-elle qu'il faudra produire de nouveaux vaccins ?
Non, car les mutations n'ont à priori pas d'impact sur l'efficacité du vaccin. L'une, observée de façon sporadique dans sept ou huit pays depuis avril dernier et dernièrement en Norvège touche la zone sur laquelle le virus s'attache à son récepteur. Cette modification semble lui permettre de se fixer dans les alvéoles et de provoquer des alvéolites, souvent graves. Apparemment, cette mutation n'a pas été transmise : elle est apparue plusieurs fois. Et elle n'empêche pas les anticorps de reconnaître le virus, pas plus que la mutation induisant une résistance au Tamiflu, qui a également été observée ponctuellement dans plusieurs pays. D'expérience, on sait qu'il faut en général quatre ans environ pour qu'un virus grippal accumule suffisamment de mutations pour ne plus être reconnu, donc pour que le vaccin ne soit plus efficace.
Et y a-t-il un risque lié à une éventuelle recombinaison du virus avec une autre souche ?
On ne peut pas l'exclure et un virus plus virulent pourrait résulter d'une telle recombinaison. Cet évènement peut se produire lorsque deux virus infectent simultanément le même organisme, ils peuvent alors échanger du matériel génétique. Mais ce ne sera sans doute pas le cas avec une souche de la grippe saisonnière : depuis la mi-octobre, celle-ci a quasiment disparu, on n'en isole plus. C'est ce qui s'était passé lors de précédentes pandémies : le virus pandémique a supplanté les autres.
On entend dire que ce vaccin a été produit trop vite ou que certains de ses composants sont dangereux. Qu'en pensez-vous ?
Commençons par signaler que cette grippe n'est pas anodine. Une personne atteinte sur 10 000 en décède. C'est certes un taux moindre que celui de la grippe saisonnière (1 à 2 décès sur 1 000 malades) mais davantage de gens seront contaminés, car nos défenses immunitaires ne sont aucunement préparées à ce virus. La vaccination est donc une très bonne réponse préventive. Le vaccin a été testé suivant les conditions habituelles et rendu disponible fin octobre, début novembre alors que les recherches avaient commencé en juin, juillet. Sachant que pour la grippe saisonnière, c'est en février qu'on isole les souches et en septembre que le vaccin est disponible. Quant à l'adjuvant, destiné à pouvoir utiliser moins de virus pour produire plus de doses vaccinantes, et aux sels de mercure, visant à éviter les contaminations bactériennes, ils sont utilisés depuis des années !
Comment s'explique la série de réactions allergiques récemment signalée au Canada?
Trente-six cas d'effets indésirables sérieux dus à une réaction allergique ont été rapportés, sur 6,6 millions de personnes vaccinées au Canada. Ce qui représente un taux environ six fois plus important que la normale. Cela n'a été le cas dans aucun autre pays à ce jour bien que 64 millions de personnes aient déjà été vaccinées dans le monde entier. Il est possible que cela soit dû à un lot particulier : un lot a d'ailleurs été rappelé. On n'en sait pas beaucoup plus pour l'instant, mais c'est l'occasion de rappeler qu'une allergie peut constituer une contre-indication à la vaccination.
Propos recueillis par Muriel de Vericourt