Fragile comme du verre... A la lumière des travaux du CNRS (Laboratoire des verres-Université Montpellier 2), et du CEA (Service de physique et chimie des surfaces et interfaces - Saclay), il va falloir revoir son vocabulaire. Et jeter un nouveau regard sur ce matériau qui pourrait connaître une nouvelle vie dans l'industrie notamment.
Petite explication préalable.
Les physiciens ont classé les comportements mécaniques des matériaux en deux catégories distinctes suivant le mode de rupture : ' fragile ' d'une part, et ' ductile' d'autre part.
Il est communément admis que les matériaux vitreux sont ' fragiles '. Ils se brisent sans déformation préalable. Un comportement a priori aux antipodes de celui des métaux, exemples type des matériaux ' ductiles ' qui sont capables de se déformer sur de grandes longueurs avant rupture complète de la structure (le cas extrême est celui de la pastille d'aluminium que l'on transforme par emboutissage en tube de dentifrice).
Résultat, les verres, malgré de nombreuses propriétés remarquables (transparence optique, isolation électrique,...), ont une utilisation industrielle encore restreinte à cause de leur fragilité. Les mécanismes qui régissent leur résistance mécanique interviennent à des échelles de longueur quasi-atomiques et sont pour cette raison encore mal connus
En fait, les résultats récents acquis dans le cadre de la collaboration entre deux équipes de chercheurs du Laboratoire des verres (CNRS - Université Montpellier 2) et du Service de physique et chimie des surfaces et interfaces (CEA - Saclay) conduisent à revoir complètement ces idées.
Ils montrent que les processus mis en jeu dans la rupture des verres sont très similaires à ceux connus pour les métaux, mais à des échelles de longueur des milliers de fois plus petites : l'avancée d'un front de fissure dans les verres se produit, sous certaines conditions, selon un processus en trois étapes (nucléation, croissance et coalescence de cavités d'endommagement) très proche de celui mis en jeu dans les métaux, mais à des échelles de longueur nanométriques (c'est-à-dire de quelques distances interatomiques ou intermoléculaires).
Ces résultats permettent de comprendre certaines analogies -mises en évidence ces dernières années entre les morphologies de surfaces de rupture des verres, des métaux et des roches brisées par le passage de failles géologiques. Plusieurs grandeurs physiques sont communes à tous ces matériaux, mais observées à des échelles de longueur différentes : la dizaine de nanomètres pour les verres1, le kilomètre pour les roches, le micromètre2 pour les métaux.
L'ensemble de ces travaux et de ces lois dites d'échelle trouvent des applications, aussi bien en géologie que dans l'industrie verrière. Ils incitent à reprendre les études de propagation de failles géologiques au travers de la croûte terrestre constituée de matériaux jusqu'alors qualifiés de ' fragiles '.
De même, des avancées dans l'obtention de verres beaucoup plus résistants à la fissuration sont d'ores et déjà envisageables.
Franck Barnu
(source CNRS)
Pour en savoir plus
- Référence : Physical Review Letters (P.R.L. 90, 2003, p. 075504) : 'Glass Breaks like Metal, but at the Nanometer Scale' F. Célarié, S. Prades, D. Bonamy, L. Ferrero, E. Bouchaud, C. Guillot, and C. Marlière.
- Laboratoire des verres CNRS : www.ldv.univ-montp2.fr/
- Laboratoire CEA : www.drecam.cea.fr/srsim/groupe10.htm
- Contacts chercheur CNRS : christian.marliere@ldv.univ-montp2.fr
- Contacts chercheur CEA : bouchaud@drecam.cea.fr