«La formidable pression sur les coûts a donné un nouvel essor à la fonction Achat, devenue en quelques années un des éléments clés de ce que l’on appelle dans ce franglais qu’affectionne l’informatique, ‘la gouvernance d’entreprise’», indiquait dans son préambule notre confrère Philippe Grange, animateur de la table ronde organisée par le Club de la presse informatique.
Trois entreprises industrielles ont passé au crible leur stratégie Achat sans toutefois dépasser un certain niveau de transparence tant le sujet est stratégique.
Spécialiste de produits pour l’industrie automobile destinés à amortir les bruits et à assurer le confort du véhicule, Rieter Automotive a ouvert le feu. Le groupe suisse qui emploie dans ses 45 usines à travers 12 pays, comporte deux divisions : textile et automobile, cette dernière réalisant les deux tiers de son chiffre d’affaires de 2 milliards de francs suisses.
«La gestion de nos achats doit faire face à des complexités multiples, souligne Jean-Claude Fichera, directeur Achats et logistique de l’entreprise. Le nombre d’usines et du réseau achats en est une, les différents types d’achats en sont une autre. Ainsi l’entreprise doit gérer pas moins de 40 produits différents (produits chimiques, feutres, caoutchouc, fibres de verre, etc.). Enfin, le nombre de collaborateurs et des articles à gérer (environ 6000) complète ce tableau.'
Les impératifs de la certification ISO a donc obligé la société a mettre en place depuis sept ans des outils capables de maîtriser cette complexité.
Trois types d’outils ont été déployés : des outils pour le suivi des performances des achats, un portail fournisseurs et un portail pour assurer les achats électroniques fourni par la société SynerDeal. Les deux portails fonctionnant en mode ASP (application service provider) ou applications hébérgées. Difficiles à quantifier, les gains de cette approche ne font cependant pas de doute et peuvent être chiffrés selon le spécialiste de Rieter à 20-30% de réduction du coût de la non qualité.
Spécialiste de la gestion des réseaux d’énergie, la société Elyo développe des activités multitechniques et multiservices. La société emploie 18000 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros.
«Les achats ont représenté deux milliards d’euros en 2004', précise Jean-Marie Guieau, directeur des achats. L’entreprise a mis en œuvre un ERP en 1998, Oracle Applications pour ne pas le nommer, dont un module dédié au suivi des commandes d’achat. «Nous comptons pas moins de 500 unités techniques à travers la France, des équipes de 10 à 14 personnes, soit quelques 6000 personnes qui peuvent passer des commandes pour plusieurs centaines de milliers de produits », poursuit le responsable.
Cette organisation particulière d’Elyo a obligé l’entreprise à mettre en place en 2000 un premier outil de gestion électronique des achats, remplacé en 2004 par la solution temps réel de e-procurement (sous OpenSource) de BuyingPack.
«Cela nous apporte deux bénéfices : la visibilité sur les achats et la possibilité de réagir très vite si le besoin se fait sentir », constate le responsable. Reste à intégrer maintenant l’ERP et l’outil de e procurement grâce à un logiciel d’intégration applicative (EAI), ce qui est jugé intéressant par le spécialiste d’Elyo.
En charge des applications Achats à la Direction des services informatiques de Saint-Gobain, Olivier Tronche a passé en revue l’approche du verrier français. «Neuf types de métiers, activités dans une quarantaine de pays, un milliers de sociétés… la configuration de notre entreprise n’est pas simple », explique le spécialiste. Surtout qu’une véritable mosaïque de solutions Achats ne font que corser les données du problème qu’affronte Saint-Gobain.
«Nous avons donc mis en œuvre depuis deux ans un projet de réorganisation des services achats avec la mise en place d’outils informatiques (e procurement et autres) autour du logiciel de gestion intégré de SAP», précise Olivier Tronche. Une démarche qui a apporté quelques 200 millions d’euros d’économies au monde et qui a compté des actions telles que la mise au point d’un référentiel fournisseurs commun pour l’ensemble des filiales du groupe au monde.
«Le principal bénéfice c’est la vision globale que nous avons maintenant sur les achats ce qui autorise les synergies et améliore la communication entre les différents communautés Achats de Saint-Gobain », conclut le responsable.
Enfin, le débat houleux entre donneurs d’ordres et sous-traitants concernant la délicate question des enchères inversés semble s’apaiser. «Appliquées au début à tort et à travers, les enchères inversées ont provoquée pas mal de dégâts », considèrent les spécialistes participants à la table ronde.
L’horizon c’est cependant dégagé et cette approche a apportée des bénéfices évidents. «Nous avons réalisé quelques 40 enchères inversées en 2004, soit un peu moins qu’avant», confirme Jean-Claude Fichera de Rieter qui précise les apports de ces démarches : «Les vifs débats qui ont accompagné ces démarches ont braqué les projecteurs sur la fonction Achats et son importance vitale. Les enchères inversées ont aussi permis de structurer les cahiers des charges achats.»
Jean-Marie Guieau d’Elyo abonde dans ce sens, tout en insistant sur le gain de temps que ces approches apportent, mais aussi sur la nécessité de les intégrer dans un processus d’achat global. Et il sait de quoi il parle, car depuis deux ans Elyo fait appel régulièrement aux enchères inversées.
Pour clore le débat avec une note optimiste, Jean-Jacques Triboulet, responsable marketing d’Oracle France considère que les achats électroniques ont un bel avenir. Et ce n’est pas (seulement) pour prêcher pour sa paroisse…
Mirel Scherer
Un Observatoire des achats Microsoft lance en collaboration avec BearingPoint, le groupe Essec et l’Institut Novamétrie l’observatoire des achats en France. Réalisée en mars/avril 2004, l’enquête de la première édition de cet Observatoire a fait appel à 200 directeurs des achats représentatifs du paysage économique et de tailles des entreprises. |