
Cédric Villani, lauréat 2010 de la médaille Fields, donnant une conférence de mathématiques à la Bibliothèque nationale de France en avril dernier.
© © Valérie Touchant-Landais / IHES
« S'élever au-dessus de soi-même et comprendre le monde » est inscrit en latin autour du portrait de profil d’Archimède, sur une des faces de la médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel pour les mathématiciens. Cédric Villani et Ngô Bao Châu, deux français sur les quatre lauréats 2010, connaissaient certainement déjà cet adage lorsqu’ils ont reçu les prestigieuses médailles des mains du président indien, Pratibha Patil, ce jeudi 19 août, à l’ouverture du Congrès international des mathématiciens à Hyderabad en Inde.
« C’est une récompense, mais surtout un encouragement. C’est d’ailleurs pour cela que la médaille Fields n’est remise qu’à des mathématiciens de moins de 40 ans », nous confiait Cédric Villani, quelques heures après avoir reçu son prix. Le chercheur français de 36 ans est professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon dans l’Unité de mathématiques pures et appliquées et directeur de l’Institut Poincaré.
Il doit cette distinction à ses travaux dont les « résultats portent sur des modèles très utilisés en industrie et en ingénierie, pour les simulations », affirme-t-il. Il a notamment étudié le retour à l’équilibre des gaz dans un plasma stimulé par une décharge électrique. Dans ce cas les interactions entre les particules sont principalement dues aux forces électriques qui existent entre elles et les collisions ont un rôle négligeable, c’est le phénomène de « relaxation non collisionnelle ». La description mathématique de Cédric Villani de ces interactions et de leur comportement dans le temps jusqu’au retour à un équilibre va permettre de simuler l’évolution des plasmas. « Une connaissance mathématique qui était nécessaire pour pouvoir mettre en place les expériences de fission nucléaire du projet Iter par exemple », explique le lauréat. Sur le même principe il a repris l’équation de Boltzmann de 1872 qui régit le passage d’un volume de gaz de l’hétérogénéité (zones plus chaudes, zones plus denses) à l’homogénéité, ce qui correspond à une augmentation de l’entropie. Il a découvert que l’entropie augmentait vite puis lentement puis vite, puis lentement... Une avancée qui devrait venir améliorer les modèles mathématiques de simulations des comportements des gaz dans les étapes de conception de l’industrie aéronautique. « Il y avait une volonté de récompenser des travaux ancrés dans la physique », affirme le chercheur.
« Cela apporte une visibilité aux mathématiques »
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Ngô Bao Châu, lauréat 2010 de la médaille Fields © *J.F. Dars*. |
Avec ces deux médailles 2010, la France a reçu onze des 52 décernées depuis 1936, ce qui la place au 2e rang mondial, derrière les Etats-Unis. « C’est bien. Cela apporte une visibilité aux mathématiques en général et aux mathématiques françaises qui ont beaucoup moins de moyens que les américaines, mais sont très bien organisées », conclut, ravi, Cédric Villani qui envisage de se plonger désormais dans des problématiques d’astrophysique. Sans doute pour s’élever encore plus au-dessus de lui-même.
Charles Foucault