En 2006, le rapport « donner un nouvel élan à l'industrie en France », du cabinet McKinsey, proposait une série de conseils pour « redynamiser la base industrielle ». Parmi ces recommandations, le déploiement de démarches lean, et le développement de formations d'experts dans ce domaine. Le lean, ou excellence opérationnelle, est cette méthode, née chez Toyota, qui consiste à identifier et éliminer les sources de gaspillage de temps sur une chaîne de production. L'Institut Lean France, association créée en 2007, s'est emparé de la mission de promotion de cet art venu d'Orient sur le territoire national. « Le lean est à la mode », résume Gilbert Liégeois, son président. « Depuis deux ou trois ans, le concept diffuse dans les écoles et universités, où il est traité de différentes façons. La plupart des formations sont encore jeunes, il est donc difficile de les évaluer ». L'Ecam, à Lyon, et l'Ensam ParisTech proposent chacune un mastère spécialisé sur le sujet. Deux formations d'un an, qui sont appréciées des entreprises. Dans les autres écoles, l'apparition du lean est plus timide et s'intègre au sein de cursus plus larges, comme dans la spécialité génie industriel de l'Insa Lyon. Enfin, Télécom ParisTech a fait le choix de la formation continue en proposant un certificat d'études spécialisées en lean management.
On n'apprend pas le lean sans une expérience sur le terrain
Selon Gilbert Liégeois, la clé d'une bonne formation réside justement dans la sensibilisation des étudiants au management, et pas uniquement aux outils théoriques : « Certaines formations universitaires ne sont dispensées que par des enseignants-chercheurs, en amphi. Mais le lean c'est 50 % de relations humaines, cela s'apprend sur le terrain. Pour des étudiants sans aucune idée de la réalité industrielle, les outils enseignés peuvent sembler évidents », remarque Hélène Marian, enseignant-chercheur à l'École nationale supérieure des Mines de Saint-Etienne, qui vient de lancer une spécialisation lean. Les appliquer s'avère bien plus complexe. « Au début, je ne savais pas comment m'y prendre », se souvient Aline Caron, diplômée de l'Ecam, où la plus grande partie de la formation a lieu en entreprise. « Tout au long de l'année, j'ai appris à prendre du recul, et j'ai pu réaliser ce qui ne fonctionnait pas dans mon approche. C'est un travail de longue haleine. »
« La formation de l'Ecam répond à un réel besoin du marché », assure Jean-Luc Ginot, directeur du site Volvo Business Services de Vénissieux. « Les profils alliant des connaissances théoriques et de l'expérience sont peu répandus. Les personnes les plus compétentes sont généralement de jeunes diplômés. » Face à la demande des entreprises, « nous n'avons aucun mal à placer les étudiants en stage », assure Hélène Marian. L'Ecam annonce, de son côté, moins de deux mois entre la fin de la formation et la première embauche. Le diplôme en poche, les étudiants ne se cantonnent pas à la production. « C'est la base de la formation, mais la démarche est la même dans les autres activités », explique Benoit Cretollier, ancien étudiant de l'Ecam. Embauché chez Volvo en juin dernier, il a contribué au déploiement pilote du lean dans la branche services du groupe. Aline Caron a bifurqué elle aussi, vers le conseil industriel. Son enthousiasme pour sa spécialité ne s'en porte que mieux : « J'applique aujourd'hui mes connaissances aux bureaux d'études. Le lean est intéressant dans tous types de milieux ! »
cL'Inexo, Institut national de l'excellence opérationnelle, est un support d'apprentissage pour le lean, inauguré à l'Ecam, à Lyon, en novembre 2009. L'école partage cette ressource avec Arts et Métiers ParisTech, l'École centrale de Lyon et l'École nationale supérieure des Mines de Saint-Étienne. C'est une usine à échelle réduite : quatre machines y servent à fabriquer des pièces d'horloges. Les étudiants y tiennent eux-mêmes tous les postes. Les jeux de rôle qui s'y déroulent visent à leur faire comprendre le fonctionnement d'une usine et l'importance des facteurs humains dans les travaux de réorganisation.
Les étudiants ayant une formation lean à l'Ecam touchent un premier salaire de 34 à 40 000 euros en moyenne.
ALINE CARON INGÉNIEUR CONSULTANTE CHEZ ABMI
Après avoir obtenu mon diplôme d'ingénieur à l'Ecam, j'ai décidé de suivre le mastère lean proposé par l'école. J'ai pensé qu'il manquait à ma formation généraliste une spécialisation me mettant sur la voie du management. J'ai senti une grande différence entre le début et la fin de l'année de mastère. Avec les mises en situation, nous avons eu l'occasion d'expérimenter différentes techniques, de nous rendre compte de l'impact de nos diverses actions. Nous nous sommes entraînés à transmettre nos compétences en organisant une formation à destination d'étudiants plus jeunes. Tout cela m'a appris à mieux gérer les hommes sur le terrain et à comprendre qu'il ne faut pas imposer des idées, mais essayer de les faire émerger collectivement.
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